04/04/2014 : Antisémitisme, Totalitarisme et Banalité du mal


Ce thème fait bien sûr référence à l'oeuvre d'Hannah Arendt et plus précisément à deux de ses publications :
1. Les Origines du totalitarisme , 3 volumes (Antisémitisme, Impérialisme, Totalitarianisme), 1951
2. Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, traduction française A. Guérin, Gallimard, 1966



A l'origine de ce café-philo, une proposition de Michel Carnoy d'aller visiter le Site-mémorial du camp des milles, qui, à quelques dizaines de km de Cucuron, est un témoignage très fort d'un passé encore proche :
Nous avons été une bonne quinzaine à participer à cette visite et nous pourrons en témoigner lors du débat.

La position de Hannah Arendt sur le concept de "banalité du mal" a suscité beaucoup de controverses. Il en est fait largement mention dans le film "Hannah Arendt", de Margarhete Von Trotta, sorti en 2012. Claude Lanzman y a aussi apporté une contribution importante dans son film "Le dernier des injustes", sorti en 2013, qui exhume le témoignage de Benjamin Murmelstein, le dernier Président du Conseil Juif du ghetto de Theresienstadt.


Vous pouvez à ce sujet écouter le débat entre Alain Filkenkraut et Claude Lanzman, lors de l'émission "Répliques" du 13 novembre 2013 :


Martin Videcoq

21/02/2014 : Compte-rendu : PEUT-ON DIRE DU BOUDDHISME QUE C'EST UNE PHILOSOPHIE ?

Par Anne de Swarte

Toute religion élabore une philosophie de vie, qu'en est-il du bouddhisme ? Et de son intégration à nos cultures occidentales ?

Le Bouddhisme correspond-il à une forme de sagesse indépendamment de sa dimension religieuse ?

Nous présenterons d'abord la vie du bouddha, inséparable de sa doctrine, ensuite nous verrons les principaux concepts fondamentaux du bouddhisme, et en quoi cette doctrine résonne avec notre civilisation occidentale moderne.

Le terme bouddhiste vient du nom de Bouddha qui signifie éveillé, celui qui a la connaissance profonde.

Contexte historique de l'apparition du Bouddha. En Inde vers le 6ème siècle avant notre ère, la vie religieuse était dirigée par la caste des brahmanes, à une époque de guerres entre petits seigneurs, de grande pauvreté dans le peuple... On croyait à la réincarnation des âmes, au cycle sans fin des renaissances dû au karma, la loi des causes et des conséquences des actions bonnes ou mauvaises effectuées pendant la vie terrestre. De nombreux mendiants errants sur les routes parcouraient le pays à la recherche de la vérité et de la cessation des réincarnations.



1 – VIE DU BOUDDHA

Le futur Bouddha, Siddhartha Gautama est né ds le Nord de l'Inde, vers -560 avant notre ère, au cœur de cette civilisation indienne védique sur laquelle il s'est appuyé pour élaborer sa doctrine.

Il était fils d'un seigneur de la tribu des Sakya appartenant à la caste des Ksatrya, des guerriers et des princes selon la terminologie hindoue. La légende raconte que sa naissance fut accompagnée de prodiges : il s'est levé a fait 7 pas sur 7 fleurs de lotus et a prononcé ces mots : « je suis né pour l'éveil, pour le bien du monde". Un devin prédit à ses parents qu'il serait soit un roi temporel puissant soit un sage qui obtiendrait la sagesse ultime. Suite à cette prédiction extraordinaire son père, qui voulait que son fils hérite du royaume décide de l'enfermer dans son palais et de lui procurer les plaisirs, le confort, la facilité, à l'abri de toute souffrance. Mais Gautama ne trouve pas de satisfaction dans cette vie. A 14 ans il demande à son fidèle serviteur de sortir du palais et dans la ville il fait quatre rencontres déterminantes : un vieillard, un malade, un mort, et un ascète qui paraît paisible. Son père le marie à 16 ans afin qu'il reste attaché à son royaume et ne le quitte pas ; à 29 ans, sa femme Yaksodhara lui donne un enfant qui sera appelé Rahula à ce qui signifie obstacle, entrave. C'en est trop.

Conscient de la réalité de la maladie, de la vieillesse et de la mort inéluctable, il va chercher la vérité et veut se délivrer de la fatalité. Par une nuit de pleine lune Il quitte tout ce qui l'emprisonne, remet à son serviteur ses vêtements, ses bijoux, son cheval, et à son père son statut de prince. Il prend la route des ascètes, des renonçants, mendiants errants.

Il va suivre les enseignements de maître spirituels, à la recherche de la délivrance, c'est-à-dire pour les hindous la fusion avec le grand tout et la cessation des renaissances. Mais il ne trouve pas de réponse ni d'apaisement dans les disciplines ascétiques qu'il partage avec ses compagnons. À la suite d'un jeûne extrême, au bord de la mort, une jeune fille lui apporte un bol de riz au lait, et lui dit « il faut vivre Maître ». Il comprend alors que l'ascèse totale affaiblit les forces du corps et de l'esprit et ne peut conduire à la réalisation. Il préconise la voie du milieu, le refus des extrêmes. Il arrête ses mortifications et ses compagnons le quittent. Il continuera seul sa recherche.

La tradition de religion et la soumission à des maîtres ne l'ayant pas conduit à l'éveil, il réalisera la vérité par lui-même. Il s'installe sous un arbre près de la ville de Gaya, dans l'actuel Bihar, au nord de l'Inde, et se plonge dans une méditation et une concentration profonde durant plusieurs semaines au cours de laquelle il fait l'expérience de l'éveil. « La nuit de la pleine lune de mai, alors qu'il était assis absorbé dans la contemplation de sa respiration, ayant rendu son esprit clair et malléable, il le dirigea sur la question de la souffrance. Comme il pénétrait en esprit au cœur de ce sujet, s'élevèrent en lui la connaissance, la vision et la lumière. Il avait atteint l'éveil total et parfait. Il avait extirpé de lui l'avidité, la haine et l'ignorance. Il avait surmonté la souffrance sous toutes ses formes. Il est devenu le Bouddha l'éveillé, celui qui a la connaissance, la compréhension totale, dont l'esprit est libéré des poisons de l'ignorance, de l'attachement, des idées fausses, des perceptions erronées, de la peur. »

Il a compris la réalité ultime de la vie, mais il hésite à la transmettre aux hommes dont il pense qu'ils ne la comprendront pas. Le Dieu Brahma lui dit d'aller enseigner ce qu'il a découvert, par compassion pour l'humanité. Comment peut-on être heureux alors que les autres sont encore enfermés dans la souffrance et ignorants de ce qui pourrait les sauver ? sa mission est d'aider les autres à trouver l'éveil, d'accomplir la prédiction : je suis né pour le bien du monde. Il va alors retrouver ses anciens compagnons pour leur transmettre sa grande découverte spirituelle au parc des gazelles à Sarnath, près de Bénarès.

Par compassion pour le monde souffrant, il passe le reste de sa vie à enseigner les moyens par lesquels d'autres peuvent à leur tour réaliser cette expérience. Ce que nous appelons aujourd'hui le bouddhisme, sous ses différentes formes culturelles, est l'héritage de cet enseignement.



2 – LES FONDAMNTAUX

Premier enseignement ou « Discours de la mise en mouvement de la roue du Dharma »,

Les Quatre nobles vérités : la souffrance, la cause de la souffrance, la cessation de la souffrance et le chemin menant à la cessation de la souffrance.

Plus que comme maître philosophe ou religieux, le bouddha se définit comme médecin des hommes : en tant que médecin il établit un diagnostic : le constat de la souffrance universelle, il cherche l'origine, la cause de la maladie : la soif, ou désir et ignorance. La souffrance peut cesser : On peut agir sur le désir, retrouver la santé, l'arrêt du cycle des renaissances.. Enfin le médecin propose une thérapeutique, ce sera le Noble chemin octuple, la sagesse, la méditation, la conduite éthique.



a) – Tout est souffrance : la première étape incontournable consiste à reconnaître l'existence de la souffrance dans chaque expérience de notre vie terrestre, car si nous n'en sommes pas conscients on ne peut pas comprendre la doctrine et s'engager sur la voie. Douleur physique ou morale de la maladie, souffrance du changement, souffrance existentielle : Être uni à ce qu'on n'aime pas, éloigné de ce qu'on aime.

« conditionnées par la naissance, se produisent la vieillesse et la mort. Qu'est-ce que la vieillesse ?: la diminution et la transformation des cheveux, le relâchement et les rides de la peau, le déclin, la destruction progressive, les tâches noires qui parsèment le corps, l'essoufflement, l'incapacité de marcher vite, la courbure et l'inclinaison vers l'avant de l'épine dorsale, la nécessité de s'appuyer sur un bâton, l'affaiblissement de l'intelligence, la diminution des facultés, la perte de l'activité physique utile, le délabrement du corps en raison de la dégénérescence des fonctions ; c'est ce que l'on nomme vieillesse.

Qu'est-ce que la mort ? le décès, l'abandon de la vitalité, l'abandon de la chaleur, le rejet de la faculté vitale, l'abandon des agrégats, la cessation totale d'activité ; c'est ce qu'on nomme mort. (« vieillesse et mort », tel est ce qu'on nomme le sens analytique de la production conditionnée). » ce qui nous attend !!!



b) - La deuxième Noble vérité nous enseigne l'origine de la souffrance : une fois qu'on a reconnu que la souffrance existe, recherchons ses causes : comment la souffrance naît–elle, d'où vient-elle ?

La source de la souffrance est dans la soif, l'avidité égoïste ou le désir que tout être humain porte en lui, lui-même engendré par l'ignorance. Cette « soif » peut-être de trois sortes : la soif des plaisirs des sens, la soif du devenir ou soif d'existence, et enfin la soif d’annihilation ou de non-existence. Il faut regarder en face, contempler la cause de cette maladie à l'intérieur de nous.



c) - La troisième Noble vérité nous enseigne la possibilité de la cessation de la souffrance, puisque celle-ci est issue de causes et de conditions. Certaines d’entre-elles sont de notre responsabilité : en les connaissant, nous pouvons agir sur ces causes et ces conditions, et progressivement les transformer en bonheur, sérénité, libération et atteindre l'état de l'Éveil et le nirvana, l'arrêt du cycle des renaissances.

Il est nécessaire de se convaincre de cette vérité. Avoir la foi, décider de commencer le chemin, dirigé par un maître.



d) - Quatrième noble vérité : Il existe un chemin menant à la cessation de la souffrance, le « Noble chemin octuple » celui qu'a suivi le Bouddha ; qui donne vision et connaissance, qui conduit au calme et nous permet d'entrer en contact avec les merveilles de la vie. Il est également appelé « Chemin du milieu », car il évite les deux extrêmes que sont d'une part la poursuite du bonheur dans la dépendance des plaisirs des sens et d'autre part la poursuite de la libération dans la pratique de l'ascétisme et de la mortification.

Le Bouddha ayant fait l'expérience de ces deux extrêmes, découvrit ainsi le Noble Chemin.

« un empereur chinois très pieux qui était toujours avide d'accueillir les grands sages et maîtres indiens pensa qu'il pourrait avoir une merveilleuse discussion philosophique avec un maître tout juste arrivé. Le maître fut donc invité au palais où il fut reçu avec toutes les cérémonies d'usage. Quand toutes les formalités furent terminées et que le maître et l'empereur eurent pris leur siège, l'empereur posa sa première question.

« Dites-moi, dit-il, quel est le principe fondamental du bouddhisme ? » et il s'installa, prêt à entendre la réponse de source sûre. Le maître répondit : « Cesser de faire le mal, apprendre à être bon, purifier le cœur - voici le principe fondamental du bouddhisme. C'est si simple que même un enfant de trois ans peut le comprendre, mais c'est si difficile que même un vieil homme de quatre-vingts ans ne peut le mettre en pratique. » Nous pouvons tout comprendre. Mais mettre en pratique ne serait-ce qu'une petite partie de cette connaissance et l'appliquer dans notre vie, nous trouvons cela extrêmement difficile. nous voyons cet énorme, ce terrible écart entre compréhension et pratique. »



Le noble chemin octuple :



Ce chemin comporte huit aspects, que nous pouvons développer à notre niveau de façon progressive et cumulative.

1 - Le Chemin de vision : la compréhension juste, ou vision parfaite, est la compréhension ultime de la nature de l'existence que le Bouddha a eue lors de son Éveil. La Vision parfaite représente la phase de vue pénétrante et d'expérience spirituelles initiales, le reste du Chemin octuple représente la transformation de la totalité de notre être, en accord avec cette vue pénétrante et cette expérience initiales.

Il développe une grande connaissance du fonctionnement psychique.

2 - Pensée juste ou discernement juste, Émotion parfaite volonté, intention, : l'unification complète de tous les aspects de notre être, c'est-à-dire de notre raison et de nos émotions. (dénué d'avidité, de haine et d'ignorance), la mise en harmonie de tout le côté émotionnel et volitionnel de notre être avec la Vision parfaite, notre vision de la véritable nature de l'existence.

Il n'y a pas de vie spirituelle tant que le cœur n'est pas lui aussi impliqué. Peu importe combien le cerveau a été actif, ou combien nous avons compris d'une façon intellectuelle, tant que nos émotions ne sont pas engagées.

3 - Parole parfaite, parole juste (ne pas mentir, ne pas médire ne pas semer la discorde ou la désunion, ne pas tenir un langage grossier, ne pas prononcer de paroles injurieuses ne pas bavarder oisivement éviter le bavardage stérile) qui est l'idéal d'une communication vraie, bienveillante, utile et harmonieuse ;

4 - Action juste: ne pas tuer, ne pas voler, conduite sexuelle juste, éviter les excès d'alcool, de drogues.. La moralité est, selon le bouddhisme, autant une question d'intelligence et de vue pénétrante qu'une question de bonnes intentions et de bons sentiments. C'est une action qui exprime la vision parfaite et l'émotion parfaite, motivée par la générosité, par l'amour et la compassion, et par la compréhension.

5 - Moyens d'existence justes, qui représentent l'expression de notre vision spirituelle à travers la façon dont nous assurons notre subsistance ; enseigne la transformation complète, à la lumière de la Vision Parfaite, de tout l'aspect économique de notre vie collective. L'idée que nous devrions non seulement transformer nos vies individuelles mais aussi la société dans son ensemble fait partie de la totalité de l'enseignement.

6 - Effort parfait, effort ou persévérance juste consiste à prévenir, éradiquer, les états mentaux défavorables, développer, et maintenir, les états mentaux favorables. L'Effort parfait est donc avant tout psychologique. L'entraînement spirituel est un trait marquant et caractéristique du bouddhisme qui exige de faire soi-même un minimum d'efforts. Le bouddhisme est une Voie difficile et exigeante.

– L'entraînement de l'esprit va conduire à la transformation des pensées erronées, des émotions négatives, de l'égocentrisme, en vertus positives : de la colère à la patience, de l'avidité à la générosité, de la haine à l'amour, de l'attachement au détachement, de la tristesse à la joie, corps parole esprit seront clarifiés. Le chemin conduit à la compassion, au détachement, à l'équanimité.

7 - Méditation parfaite ou attention juste : état de non-distraction, de concentration, d'intention continue et résolue, de conscience juste (des choses, de soi - de son corps, de ses émotions, de ses pensées, des autres, de la réalité) ;



8 - Samadhi parfait « état d'être fermement fixé ou établi » : Concentration profonde, expérience de paix, de joie. Quand le B. était interrogé au sujet du nirvana, ou de la nature de l'Éveil, il restait parfois parfaitement silencieux. Plus une étape de développement spirituel est avancée, moins il y a à dire à son sujet, contrairement à l'ordinaire, moins on peut parler de quelque chose, plus cette chose est réellement importante..

Samadhi parfait signifie que la Vision parfaite a enfin triomphé, et qu'elle règne, suprême, à tous les niveaux de notre être et de notre conscience....

« dès que le bienheureux eut prononcé ce sermon, la foule des auditeurs, des disciples et des bodhisattvas, des dieux et des hommes, ayant entendu les paroles du bouddha, éprouva une grande joie, acquit une foi plus vive et se conforma aux enseignements du bienheureux. »

Les cinq anciens compagnons du B. Sakyamuni (muni = silencieux) deviennent ses disciples et fondent la première communauté monastique. Le bouddha n'aura de cesse jusqu'à la fin de sa vie à 80 ans que de répandre son enseignement avec des moines itinérants dans tout le nord de l'Inde.

L'intérêt et l'originalité de cet enseignement est le fait qu'il est accessible à tous sans exclusion, quels que soient l'appartenance religieuse, sociale, nationale, le statut dans la société riche ou pauvre, bien portant ou malade, jeune ou vieux, homme ou femme, étranger ou natif, à chacun le chemin de l'éveil est proposé. Cette notion de l'égalité de tous les hommes se démarque de la tradition hindoue dans laquelle le Bouddha vivait.



Une doctrine qui devient Religion : Après la mort du Bouddha (résorption dans le parinirvana), ses reliques deviennent objets de vénération, lui-même est divinisé, puis représenté... une religion émerge avec des rituels d'appartenance, des cérémonies initiatiques, des lignées de transmission...

Entrée dans la communauté : Le nouveau disciple prend refuge dans le Bouddha, le Dharma, le Sangha.

Le Bouddha c'est l'éveil, la pleine connaissance de la Réalité telle qu'elle est,

Le Dharma c'est l'enseignement, la Loi, la pratique de la méditation, la voie de l'éveil.

Le Sangha c'est la communauté des disciples, moines et laïcs.

L'altruisme et la compassion : chaque méditation et chaque rituel sont offerts en dédicace pour le bien de tous les êtres. Aucune action n'est gardée pour son propre bénéfice.

La doctrine se diffusera ensuite dans toute l'Asie du Sud-Est, en Chine, au Japon, et à partir des derniers siècles du dernier millénaire, en Europe, en Amérique, touchant et transformant les habitudes de pensée occidentales.

Dans chacun de ces pays, il s'est adapté à la culture qu'il a rencontrée, prenant à chaque fois une nouvelle forme. Ces formes diffèrent parfois à tel point qu'il est difficile de discerner ce qui les unit. Néanmoins, nous y retrouvons toujours les fondements du Dharma : un enseignement universel, qui s'adapte aux cultures qu'il rencontre et qui peut s'appliquer aussi bien au monde occidental contemporain qu'à l'Inde du temps du Bouddha ; un enseignement qui est aussi pertinent de nos jours qu'il l'était il y a 2.500 ans ; un enseignement qui peut apporter des réponses à un monde qui en a besoin.

3 - PHILOSOPHIE – LES GRANDS CONCEPTS de la doctrine –

Toutes les choses conditionnées, sans exception, sont souffrance (duhkha), impermanentes (anitya) et dépourvues de soi (anatman). Voilà les trois caractéristiques de l'existence conditionnée. Elles sont d'importance centrale, non seulement dans la philosophie bouddhique, mais dans la vie spirituelle bouddhique.

– La Production conditionnée ou conditionnalité, est le constat que, pour exister, tous les phénomènes dépendent de nombreuses conditions et que lorsque ces conditions changent ou cessent d'exister, le phénomène lui-même change ou cesse d'exister - ce que nous pouvons observer dans tous les aspects de notre expérience. (Nous formons nous-même une partie des conditions qui créent notre expérience) et les conséquences de nos actions conditionnent nos expériences futures et celles des personnes autour de nous. Ainsi, nous sommes intimement liés à notre environnement et aux autres êtres vivants. Il n'y a rien de souverain.

– L'impermanence : Si nous regardons en nous, si nous regardons notre propre vie mentale, nous voyons qu'il n'y a que les cinq agrégats (forme, sensations, perceptions, volitions et actes de conscience), qui tous sont constamment en changement ; Si nous nous concentrons sur la réalité extérieure ou intérieure en observant par la méditation, on s'aperçoit que rien ne peut être saisi de façon stable par le mental. il n'y a rien de permanent.

Nous voyons que d'une façon ou d'une autre ils sont tous pleins de souffrance : il n'y a rien d'« ultimement » heureux.

La notion de vacuité – le non-soi

Il ne s'agit pas de dire que rien n'existe ou que rien n'a de valeur.

Exemple le temps : notre conception du temps se réfère à un passé qui n'existe plus, et à un avenir qui n'existe pas encore. Le présent est un instant fugace insaisissable qui marque le passage entre deux idées non existantes. Donc on peut en conclure que le temps n'a pas de réalité, il est vide de réalité.

Si l'on essaye de saisir nos pensées, on s'aperçoit qu'elles apparaissent et disparaissent comme l'eau coule entre les doigts. A qui sont ces pensées, à qui est ce corps, à qui les paroles, le langage ? Qui est ce moi qui pense ? Ce corps est-il celui de l'enfant nouveau-né que nous avons été, celui du vieillard que nous ne sommes pas encore, celui que l'on ressent maintenant ? Ce corps que l'on croit être le moi est impermanent, disparaît avec le sommeil prend une autre forme dans le rêve ? comment peut-on dire que je suis ce corps ?

Donc il semble bien que tout ce que l'on prend pour la réalité est vide d'existence, illusoire du point de vue de l'absolu que les bouddhistes appellent la réalité ultime. Il n'y a rien de Réel sur quoi s'appuyer.

C'est à partir de ce constat du vide de l'être que l'on peut questionner l'existence d'un Dieu, d'un soi intérieur, l'atman des hindous. L'atman, le Soi divin à l'intérieur de l'homme, est immatériel, conscient, non changeant, individuel, et heureux. Ce sont des concepts, des pensées, illusoires et évanescents qui font écran à la vérité connue par l'expérience. Il n'y a rien au fond de chacun et chaque existence apparaît, se manifeste et disparaît à partir de rien. Si l'on va au bout de ce raisonnement, il n'y a pas d'existence, pas de naissance ni de mort, ni souffrance ni plaisir et pourtant aucun désespoir.

Durant ce chemin et au bout du chemin c'est la joie de plus en plus lumineuse qui éclaire l'ascète et tous ceux qui l'entourent. (cf. les découverts de la physique quantique sur le vide de la matière-lumière)

« Ainsi le moine délivré de toutes ses perceptions et ses conceptions erronées repose dans l'État de bouddha, l'éveillé à la connaissance profonde. Cette connaissance acquise par l'expérience, il ne peut la garder pour lui seul et désire dans sa compassion la partager avec tous les êtres qui souffrent, qui sont encore dans le cycle des renaissances. C'est ainsi que se réincarnent les bodhisattvas dont la mission est d'aider autrui à se libérer. »

Puisant ses sources dans l'hindouisme pour s’en démarquer, il s'ouvre sur la communauté humaine. Il s'inspire surtout des traditions zen japonaises et des traditions tibétaines à forte connotation religieuse. Il prend une coloration différente de ce qu'il a été partout ailleurs. une adhésion, la foi, l'espérance, une morale de vie, une relation à l'autre, des rites, une promesse pour une vie meilleure ici et au-delà, le salut de l'homme, une affirmation de vérité ou un chemin, relation à la mort et l'après vie terrestre. Il se réfère à une profondeur qui, si elle n'est pas transcendante, est inconnaissable, ineffable (le nirvana). En cela et par les rituels que nécessite la discipline, l'existence d'une vie monastique, son système de transmission, ses déités, ses croyances en des vies après la mort, et des rites d'entrée dans la communauté, l'enseignement de guides spirituels, la foi et la dévotion, la compassion, nous avons affaire à une religion structurée dont toutes les manifestations se réfèrent au bouddha et à sa doctrine. Un fonctionnement institutionnel semble indispensable à la diffusion d'une doctrine, c'est peut-être pour cette raison que le Bouddhisme est devenu une religion, sans laquelle il n'y aurait pas eu de transmission possible...Car peut-on dire d'une spiritualité sans Transcendance et sans promesse ni menace pour l'au-delà(paradis ou enfer) que c'est une religion ?



4 – DANS NOTRE MONDE CONTEMPORAIN occidental ?

Pourquoi et comment le bouddhisme a-t-il une telle expansion en Occident :

Le bouddhisme a été introduit en Occident par des grands voyageurs avec des traductions des textes sacrés, du sanscrit et du pali à partir des années 1830 en Europe, mais on a longtemps considéré cette philosophie comme nihiliste et son athéisme était un obstacle jusqu'au Xxe siècle à sa diffusion en Europe.

La fin du XIXe siècle et le début du Xxe siècle voient apparaître la publication de texte romanesques entre autres, d'Alexandra D.N. sur le fascinant Tibet terre de miracles et de mysticisme.

Dans les années 60, la jeune génération suffoque dans le matérialisme et la surconsommation des 30 glorieuses, et cherche des repères et des expériences spirituelles fortes. Avec le mouvement hippie, le mouvement de la contre-culture aux États-Unis et en France, les jeunes voyagent en Inde, rencontrent des maîtres spirituels (par exemple les Beatles à Rishikesh) et diffusent à leur retour des nouvelles idées de partage, d'altruisme, d'amour et de paix universelle.

On voit apparaître les premiers centres d'enseignement. En France le japonais Deshimaru fonde le premier dojo Zen. Vers 1970, le grand maître Tibétain Kalou Rinpoche ouvre des centres bouddhistes tibétains avec des retraites de trois ans trois mois trois jours et forme les premiers moines bouddhistes européens.

En cette époque de crise de la relation au divin, les errances des religions chrétiennes ont profondément marqué les générations du milieu du XXe siècle, la fin des idéaux politiques socialistes et communistes, la remise en question de l'idéologie capitaliste rien ne peut supprimer la recherche de sens dans une civilisation qui ne croit plus au progrès, focalisée sur le matériel et le rationnel, l'homme occidental se tourne alors vers une éthique qui lui paraît plus satisfaisante.

Pragmatique, le bouddhisme propose une relation à soi même sans que la notion de Dieu soit nécessaire, il donne du sens et de la profondeur à nos vies, l'espoir en la possibilité d'un salut personnel et collectif, il promet le bonheur auquel chacun aspire, est compatible avec toutes les religions, n'exige pas une conversion instituée ni l'abandon de sa religion d'origine mais un retournement intérieur, il répond à bien des symptômes de la maladie existentielle dans laquelle est plongée l'Occident.

Certains disent du bouddhisme occidental que c'est un nouveau bouddhisme (un néo bouddhisme), un mélange de tradition orientale et de modernité occidentale (avec toutes les dérives, les risques de confusion, les amalgames, les syncrétismes possibles).



L'éthique bouddhique représente un retournement de nos valeurs et de nos habitudes de pensée. L'observation de notre intériorité par la méditation nous montre que nos certitudes sont illusoires :



- L'idée que le bonheur vient de l'extérieur, de l'obtention de biens terrestres et de richesse se retourne en constat que le bonheur est un changement de regard sur soi, sur les autres et sur le monde et ne dépend pas seulement des circonstances extérieures.

- L'accumulation des savoirs et les performances scientifique, l'idéal d'efficacité vont faire place à la connaissance de soi, à l'observation, à l'indifférence à la temporalité linéaire.

- Le rapport à l'autre s'inverse : nos ennemis deviennent nos meilleurs amis en tant qu'ils sont le moyen de progression spirituelle sur le chemin. Le rival devient objet de respect et source d'expérience vers la sagesse. (Si je suis en colère envers mon voisin, il me donne la possibilité d'exercer la patience et de prendre conscience de mes émotions négatives).

- Notre habitude de penser que le moi et le corps sont nos références les plus certaines et sont bousculés.

- le monde et tout ce qui vit et respire devient objet d'amour, non séparé de celui qui le perçoit .

l'efficacité de la pratique est que le moi se détache des réalités illusoires et entre dans la joie ; (Ce monde illusoire existe pourtant pour les hommes aveuglés par l'ignorance : on l'appelle la réalité relative).

On remarque de nombreuses similitudes avec le Christianisme et les éthiques monothéïstes...

Or toute religion est un système philosophique, une vision de l'homme.



CONCLUSION - OUVERTURES

Peut-on dire du bouddhisme que c'est une philosophie ?

La formulation de la question posée est significative de notre culture rationaliste. Car peut-on dissocier des aspects intimement liés. À l'époque où le bouddhisme est né philosophie, religion, spiritualité et psychologie et même médecine n'étaient pas séparés. Inévitablement, le bouddhisme est très vite devenu une religion en Inde et Extrême Orient, pour les nécessité de transmission, et s'est diffusé dans des civilisations très diversifiées.

C'est une doctrine, un système spirituel, une « psycho pédagogie » :

– « Ne croyez rien de ce que vous n'avez pas expérimenté vous-même ». Cette formule s'accorde à l'individualisme occidental et à notre culture de la raison. Chacun peut donc faire sa propre démarche personnelle, développer sa propre personnalité et spiritualité, appartenir ou non à une communauté, adorer ou non un Dieu, pratiquer ou non des rituels religieux. Chacun peut étudier le bouddhisme en tant que philosophie ou décider de changer sa vie et de pratiquer les exercices qui lui sont proposés en changeant ses habitudes anciennes. En transformant ses émotions négatives en vertus positives l'adepte se sentira plus heureux, plus confortable, en meilleure santé mentale et physique avec des meilleures relations aux autres.. ce qui s'apparente à une psychothérapie... avec un substrat philosophique :

– un système de pensée fondé sur des évidences universelles: tous les êtres vivants cherchent à éviter la souffrance et trouver le bonheur.

– Mettant l'accent sur l'intelligence, la lucidité, la réflexion, l'étude et les commentaires de textes, la recherche sur le fonctionnement de l'esprit humain, la prise de conscience de la réalité de la condition humaine. Art de vivre, recherche de sagesse, développement de la pensée, prise de distance...

– logique et rationnel.

Par ces aspects, il s'agit bien d'une philosophie élaborée.



Autres philosophies : stoïcisme, épicurisme, cynisme, (physique quantique)....



LA MEDITATION : discipline mentale, concentration.

La méditation est une discipline psychosomatique qui vise à observer et contrôler le mental (les pensées), les émotions, les pulsions du corps, en commençant par le contrôle du souffle.

Les pratiques de méditation, l'assise dans la présence, l'observation de la respiration, l'acceptation de toutes les pensées, des émotions, être témoin dans la stabilité de tous les mouvements intérieurs et extérieurs, le lâcher prise, c'est abandonner toute volonté de contrôle, juste laisser passer et prendre conscience que rien n'est permanent, que tout apparaît et disparaît dans le vide. Paradoxe contrôle et lâcher prise. Le contrôle c'est la concentration. La fixation ou l'établissement de l'esprit sur un seul objet : c'est la samadhi dans le sens de concentration mentale, pacification, ou apaisement.

Cet enseignement est une pratique, une discipline de l'esprit, un chemin de transformation spirituelle en profondeur, sur la base d’une vision de l’idéal spirituel.

Effets de la méditation
– l'équanimité
– le détachement
– la compassion



Bibliographie non exhaustive :
André Bareau « En suivant Bouddha » Ed Philippe Lebeau – 1985
Dalaï Lama « Cent éléphants sur un brin d'herbe » – Seuil 1990
'Guide to the Buddhist path' © Sangharakshita, Windhorse Publications 1990,