13/11/2014, "Le Royaume" d'Emmanuel Carrère

Un des grands intérêts du livre " Le Royaume" est ce dialogue entre les deux Emmanuel Carrère :

- celui d'il y a 20 ans, qui a fait preuve pendant 3 ans d'une foi dévorante et mystique, qui passait plusieurs heures par jour à lire l' évangile selon St Jean, et à remplir ses carnets évangéliques,

- et l'agnostique d'aujourd'hui, "même pas assez croyant pour être athée", mais qui garde un "goût" pour la Parole, pour le Nouveau Testament et analyse honnêtement ce qui lui reste du message du Royaume.

Ce dialogue tourne autour de trois questions principales :
- les sources : quel est exactement le message originel du Nouveau Testament, comment s'est-il constitué ?

- comment expliquer l'incroyable succès de ce message ? Comment une petite secte de Palestine, une région perdue de l'empire romain, est-elle devenue la principale église de l'empire, à l'origine des principales religions du monde occidental ?

- que reste-t-il du message originel ? Que signifie "Le Royaume" aujourd'hui ?



Extraits du "Royaume" :

« À un moment de ma vie, j’ai été chrétien. Cela a duré trois ans. C’est passé.

Je suis devenu celui que j’avais si peur de devenir. Un sceptique. Un agnostique – même pas assez croyant pour être athée. Un homme qui pense que le contraire de la vérité n’est pas le mensonge mais la certitude. Et le pire, du point de vue de celui que j’ai été, c’est que je m’en porte plutôt bien.

Affaire classée, alors ? Il faut qu’elle ne le soit pas tout à fait pour que, quinze ans après avoir rangé dans un carton mes cahiers de commentaire évangélique, le désir me soit venu de rôder à nouveau autour de ce point central et mystérieux de notre histoire à tous, de mon histoire à moi. De revenir aux textes, c’est-à-dire au Nouveau Testament.

Ce chemin que j’ai suivi autrefois en croyant, vais-je le suivre aujourd’hui en romancier ? En historien ? Je ne sais pas encore, je ne veux pas trancher, je ne pense pas que la casquette ait tellement d’importance.

Disons en enquêteur. »

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« Non, je ne crois pas que Jésus soit ressuscité. Je ne crois pas qu'un homme soit revenu d'entre les morts. Seulement, qu'on puisse le croire, et de l'avoir cru moi-même, cela m'intrigue, cela me fascine, cela me trouble, cela me bouleverse [...]. J'écris ce livre pour ne pas me figurer que j'en sais plus long, ne le croyant plus, que ceux qui le croient et que moi-même quand je le croyais. J'écris ce livre pour ne pas abonder dans mon sens. »

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« Toute la doctrine de Paul, si on peut appeler doctrine quelque chose d’aussi intensément vécu, repose là-dessus : la résurrection est impossible, or un homme est ressuscité. En un point précis de l’espace et du temps s’est produit cet événement impossible, qui coupe l’histoire du monde en deux : avant, après, et coupe aussi en deux l’humanité : ceux qui ne le croient pas, ceux qui le croient, et pour ceux qui le croient, qui ont reçu la grâce incroyable de croire cette chose incroyable, rien de ce qu’ils croyaient auparavant n’a plus de sens. »


Autres Citations :

Alfred Loisy
« Jésus annonçait le Royaume, et c'est l'Église qui est venue. »

G. K. Chesterton
« Le monde moderne n’est pas méchant ; sous certains aspects, le monde moderne est beaucoup trop bon. Il est plein de vertus désordonnées et décrépites. Quand un certain ordre religieux est ébranlé (comme le fut le christianisme à la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices que l’ont met en liberté. Les vices, une fois lâchés, errent à l’aventure et ravagent le monde. Mais les vertus,
elles aussi, brisent leur chaînes, et le vagabondage des vertus n’est pas moins forcené et les ruines qu’elles causent sont plus terribles.

Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles.

Elles sont devenues folles, parce qu’isolées l’une de l’autre et parce qu’elles vagabondent toutes seules. C’est ainsi que nous voyons des savants épris de vérité, mais dont la vérité est impitoyable ; des humanitaires éperdus de pitié mais dont la pitié (je regrette de le dire) est souvent un mensonge.
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Il est vain de parler de l’antagonisme de la raison et de la foi. La raison est elle même un sujet de foi. C’est un acte de foi de prétendre que nos pensées ont une relation quelconque avec une
réalité quelle qu’elle soit. »

Jeu 16/10/2014 : Autorité et Discipline

Ce débat sera introduit par Roland JUPKE, ancien prisonnier politique en Allemagne de l'Est.


Comment parvient-on à refuser, seul dans la foule, de faire le salut nazi ?



C’est par la référence à cet acte, hautement symbolique, d’August Landmesser en 1936, que sera introduite la question de l’Autorité et de la Discipline.

Extériorité -  Intériorité
Autorité et Discipline peuvent s’exercer sur nous, à travers  des forces extérieures : l’état, le gouvernement, la police, les institutions, et toute personne « ayant autorité » sur nous.

Mais Autorité et Discipline peuvent aussi  s’exercer à travers nos propres forces intérieures, résultant de notre rapport aux traditions, au passé, résultant de nos expériences , de nos idéaux, de nos savoirs.

Tyrannie, Pouvoir autoritaire -  Consentement, Servitude
Autorité et Discipline Imposées ou consenties, imposées et consenties ?
Pourquoi les hommes ont-ils cette pulsion de vouloir dominer l’autre et consentent  aussi souvent à être dominés ?

"Le discours de la servitude volontaire" d’Etienne de la Boétie, montre bien la limite entre la contrainte et le consentement :« Apprenez à ne plus servir et vous serez libre ! »

Et dans "Surveiller et Punir" de Michel Foucault, comme dans "1984" d’Orwell, la surveillance extérieure (le panoptique, Big Brother) se transforme peu à peu en auto-surveillance.

Et nous essaierons, en revenant à Platon et  l’Allégorie de la caverne de démêler les fils entre autorité, soumission, pouvoir et conditionnement.


Autorité et discipline à l'école



Citation
“L’autorité, c’est la force qui obtient une obéissance consentie”, Adolphe Thiers

Définitions
Autorité
-      L'autorité se distingue de l'autoritarisme qui, par la peur et le mépris dont il témoigne souvent, affirme un pouvoir mais n'obtient qu'une obéissance forcée.
-      En classe, l'autorité permet d'assurer la liberté raisonnable, dans l'intérêt de l'élève et pour favoriser les apprentissages. Pour cela, une attitude de fermeté est nécessaire. La liberté raisonnable est la capacité d'agir en conformité avec la règle qui garantit la liberté de tous. Elle se distingue de la liberté tyrannique qui est le désir d'agir sans contrainte, sans le souci de la règle commune.

Discipline
-      Dans le dictionnaire, la discipline est définie comme « l’ensemble des règles, des obligations qui régissent certaines collectivités. »
-      En classe, la discipline renvoie à l'ensemble des règles de vie et de conduite, donc à l'ensemble des devoirs de l'élève, qui produisent et maintiennent l'ordre nécessaire au bon déroulement de l'enseignement. Discipliner c'est exiger de l'élève, sous peine de sanction, le respect des règles de conduite imposées à tous pour permettre la vie et l'apprentissage en commun.


Les fondements de l’autorité
Lien entre autorité et discipline
La discipline représente l'obéissance à des règles imposées par le maître ou construites en partie avec les élèves. L'autorité est une relation où se manifeste la capacité d'obtenir l'obéissance sans l'usage de la force. Il n'y a donc de véritable autorité que consentie, acceptée et respectée par l'élève.
Dans la classe, l'exercice de l'autorité prend la forme de l'instauration de la discipline, c'est-à-dire d'un réglage des comportements rendant possibles l'enseignement et l'apprentissage. Il s'agit pour l'enseignant, surtout débutant, d'organiser et de maîtriser le groupe-classe, d'obtenir des élèves obéissance et respect, d'avoir de l'autorité et d'en faire preuve.

Légitimité de l’autorité des enseignants
Les enseignants dont les classes sont disciplinées se caractérisent par :
-      La qualité de la préparation du travail de la classe : Ceci permet de réduire au minimum le temps nécessaire aux transitions entre les activités d'apprentissage. Or, les moments qui favorisent le plus l'apparition des comportements d'indiscipline sont justement ceux où les élèves se retrouvent sans travail.
-      La fermeté des interventions : Il faut insister pour que les règles soient respectées, arrêter le comportement perturbateur, et signaler aux autres élèves que ce comportement n'est pas toléré.
-      Le fait de ne jamais argumenter avec les élèves : Le refus d'argumenter doit par contre s'accompagner d'une volonté d'expliquer, de faire connaître les principes.
-      Le souci de préserver la dignité des élèves qu'on reprend et d'éviter qu'ils perdent la face devant leurs pairs : Le maître exerce sa fonction d'autorité en instituant la discipline, qui vise à organiser et garantir l'apprentissage. La classe disciplinée par le travail est aussi celle qui assure à ses élèves la meilleure chance de réussite scolaire.

La sanction
La sanction a sa place à l'école. Elle a aussi une fonction éducative. Elle signifie à l'élève sanctionné que son comportement est perturbateur ou interdit. Elle signifie aux autres qu'un tel comportement n'est pas toléré. Le régime des sanctions, leur hiérarchisation et les conditions de leur application doivent être clairement définis.

Rôle de l’enseignant
-      L’enseignant comme expert : L’enseignant fonde son autorité sur sa compétence professionnelle. Par sa maîtrise des savoirs fondamentaux, par sa capacité à instruire et à susciter l'intérêt pour les savoirs, il appelle le respect.
-      L’enseignant comme arbitre : En permettant aux élèves de construire la règle ou au moins d'en comprendre le sens, le maître ne décide pas arbitrairement de ce qui est bien ou mal. A travers lui, s'impose à tous ce qui limite mais garantit la liberté de chacun : la règle commune.



Causes et caractéristiques de l'indiscipline
-      La configuration de la classe peut être une des raisons de l'indiscipline. En effet, dans une salle trop exiguë, les élèves sont plus facilement tentés de converser que dans une salle de classe plus grande où les distances séparant les élèves sont plus importantes.
-      L'effectif de la classe est un des facteurs de l'indiscipline.
-      La date et l'heure peuvent aussi être une source d'indiscipline. Pour des raisons aussi diverses, que la période de l'année ou que l'annonce de la fin de journée. Au cours de la semaine, voire de la journée, il existe des périodes de temps forts et de temps faibles.
-      Dans la vie d'un groupe, il y a aussi une série de phénomènes relationnels en effervescence pouvant expliquer la discipline ou l'indiscipline en cours.  L'inadéquation des objectifs fixés, ou le manque de motivation, des élèves peut engendrer une situation de frustration et de mécontentement s'exprimant par exemple à travers l'agressivité, l'apathie, ou la fuite devant le travail.


Relations pédagogiques devant l'autorité
Un enseignant, pour faire face à des problèmes d'autorité, peut utiliser des moyens appartenant à diverses dimensions. Ces indicateurs d'autorité peuvent être organisationnels, verbaux et comportementaux.

Registre préventif
-      La dissuasion a pour but de prévenir toute tentative de transgression des règles. L'enseignant répétera plusieurs fois les interdits et les règles de classe afin de montrer aux élèves ses exigences.
-      La motivation permet en fait de ne pas laisser s'installer l'ennui et la lassitude, afin d'éviter les débordements leur étant liés.
-      Le « chantage » social est une mesure utilisée par l'enseignant pour obtenir un changement du type de comportement de l’élève. Cette mesure peut s'appliquer sous une forme affective, mais aussi par la suppression d'une matière. Plus fréquemment utilisée, la référence à une autorité extérieure à la classe, comme les parents ou le directeur d'école, est aussi un des aspects de ce chantage. Lorsque l'application de la référence a lieu, nous sommes alors dans une forme d'autorité répressive.
-      L'autonomisation est le fait que l'enseignant consente à déléguer certains de ses pouvoirs à un élève ou à un groupe d'élèves. Cette responsabilisation incite à la garantie de l'ordre et de la sécurité.
-      L'explicitation consiste en la justification de la part de l'enseignant de ses interdictions, règles et ordre. Tout cela permettant à l’élève de prendre conscience de la mise en place de telles règles. Ces règles ne sont en aucun cas irréversibles.
-      L'organisation pédagogique a son importance dans l'imposition d'une discipline. Les matières enseignées influent sur le climat d'une classe. Certaines matières, comme le chant, sont plus sujettes à des débordements que d'autres. D'autres permettent de canaliser les énergies, comme le sport. La souplesse pédagogique de l'enseignant, comme le changement d'activité, les activités de transition, la variabilité des situations d'apprentissage est aussi un des paramètres de cette organisation. La préparation de la classe en fait elle aussi partie.
-      L'aménagement spatial, comme la disposition des tables et bureaux, l'emplacement des coins lecture et bibliothèque, favorise l'attention des élèves et la qualité d'apprentissage. Ainsi, à chaque situation pédagogique correspond une organisation spatiale précise.
-      La ritualisation des activités permet de sécuriser les élèves. Ainsi, l'emploi du temps permet aux enfants de savoir quelle matière ils vont avoir dans la journée.
-      La durée des activités est aussi adaptée au temps de concentration de la tranche d'âge de la classe.

Le registre répressif
-      La répression passe essentiellement par l'utilisation du langage. La verbalisation, par l'emploi d'une syntaxe appropriée, d'un vocabulaire spécifique, d'un mode et d'un temps de verbe adéquat facilite la répression.
-      L'absence de confiance envers l’élève constitue une amorce de la répression. L'enseignant ne laisse pas le moindre degré de liberté à ses élèves et développe une surveillance accrue.
-      La menace formulée par l'enseignant est un phénomène de répression permettant d'influer sur le type de comportement d'un élève sans avoir obligatoirement à appliquer cette menace. Cependant, si le comportement ne varie pas, le contenu de la menace doit être appliqué.
-      La sanction, suivant généralement une menace, peut prendre diverses formes. L'extériorisation d'un élément perturbateur au groupe classe, le rejet de l'enfant, l'imposition punitive d'un comportement et l'exigence d'une tâche font partie de ces procédures.
-      La surcharge de travail, appartenant naturellement à la période précédant celle des contrôles, provoque une crainte chez les élèves.

-      L'évaluation des élèves est un moyen, entre autre, permettant à l'enseignant de rendre compte directement aux parents des évolutions scolaires de leur enfant. Du fait de cette intrusion dans le milieu familial, elle inspire la crainte de l’élève.

Autorité et Discipline : références bibliographiques

Deux auteurs du XXeme siècel se sont particulièrement intéressés à ces thèmes :
- Hanah Arendt, dans "La crise de la culture"
- Michel Foucault, dans "Surveiller et Punir"


Voici quelques liens sur des notes de lecture sur ces deux auteurs :

Hannah Arendt : Qu'est-ce que l'autorité ?

http://www.philolog.fr/quest-ce-que-lautorite/

http://skhole.fr/hannah-arendt-extrait-sur-la-notion-d-autorit%C3%A9

http://articles.chantiers-philo.fr/2012/02/02/liberte-autorite/

Concepts majeurs dans l'oeuvre de Michel Foucault

http://1libertaire.free.fr/Foucault38.html

Emission Répliques, l'autorité en démocratie :

http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4581495

Qu'est-ce que l'autorité ? selon Hannah Arendt

Deux analyses du chapitre III de l'essai d'Hannah Arendt "La crise de la Culture" intitulé :
III. Qu'est-ce que l'autorité ?


1. D'après Simone Manon :
Qu'est-ce que l'autorité ?




2. D'après Roselyne ARTAUX, Université de Nantes, 

Dans le préambule de ce chapitre, Hannah Arendt dresse la constatation suivante : « l’autorité a disparu du monde moderne » [sous entendu de la sphère politique mais aussi des sphères pré-politiques] et qu’il est donc difficile de trouver des repères connus de tous aujourd’hui pour définir ce concept d’autorité qui était cependant une des clés de voûte de la théorie politique. A travers ce qui suit dans ce chapitre l’auteur dresse les définitions que les philosophes grecs et romains, le christianisme ou encore Machiavel ont pu donner de l’autorité.

Dans un premier temps  Hannah Arendt tente de dresser une définition du concept d’autorité en l’opposant, comme Platon a voulu le faire, à la contrainte par la force et à la persuasion. Car l’utilisation de la contrainte suppose la reconnaissance d’une hiérarchie légitime, l’emploi de la force l’échec de l’autorité et la persuasion  l’égalité. Sa définition conduit à penser l’autorité comme la conséquence de la disparition  de la religion (car le doute est omniprésent) et de la tradition (qu’il ne faut pas considérer comme un oubli du passé mais comme un « fil conducteur » dans notre histoire ). Ces deux entités étaient, selon l’auteur, les fondations qui donnaient au monde son caractère permanent. Dès lors, le monde n’a cessé de se mouvoir très rapidement et les hommes n’ont plus su donner un sens indiscutable c’est à dire commun aux mots tels que « tyrannie, autorité, totalitarisme »
De là deux théories sont nées à partir de la façon dont les écrivains libéraux et conservateurs ont traité de l’autorité :
Les théories libérales se soucient essentiellement de la liberté ce qui fait qu’ils en viennent à négliger les différentes formes de gouvernement et confondent régimes autoritaires(restriction de la liberté mais gouvernement lié par des lois) et tyrannie (abolition de la liberté et gouvernement du tyran dans son propre intérêt). L’écrivain libéral voit le progrès dans la liberté. Le conservateur se soucient plus de l’autorité pour lui, sans autorité il n’y a pas de sauvegarde de la liberté possible.
Conservateurs et libéraux n’ont qu’un but : la restauration soit de la liberté soit de l’autorité suivant leurs idéologies respectives mais en réalité tous deux comme le dit l’auteur sont les « deux faces d’une même médaille » car l’un n’existerait pas sans l’autre et que tous les deux visent une restauration.

            L’auteur profite de l’exposé de ces deux points de vues pour dresser une définition des différentes structures d’appareil  de gouvernement :

·         Le gouvernement autoritaire est symbolisé par une pyramide qui tire son autorité du dehors mais dont le siège du pouvoir est au sommet. de ce sommet descend l’autorité de strate en strate arrosant ainsi toutes les composantes de la pyramide. De cette schématisation il ressort que le gouvernement autoritaire est une structure très hiérarchisée où l’inégalité est un principe constant.

·         Le gouvernement tyrannique suppose un oppresseur que l’on trouve en la personne du tyran et des oppressés tous égaux dans leur sort c’est à dire dépourvus de pouvoir.

·         Le gouvernement totalitaire implique un chef qui se trouve au centre de tout. Toutes les couches sont en contact les unes avec les autres ce qui permet au gouvernement d’exercer un contrôle étroit sur l’ensemble du système et également d’assurer sa propre protection.

Dans la seconde théorie, libéralisme et conservatisme ne diffèrent que dans la manière d’évaluer une situation : là où les conservateurs trouvent que la substitution d’une chose par une autre montre sa nécessité, les libéraux constatent une trahison .Mais, au final les deux camps s’entendent sur un point : le substitut qui remplit la fonction de la première chose est cette chose . conservateurs et libéraux arrivent à la même analyse finale. C’est ainsi qu’ils en déduisent que « l’autorité c’est tout ce qui fait obéir les gens ». En suivant cette logique l’autorité peut alors tout à fait devenir de la violence.
En poussant ce raisonnement à son extrémité dans le domaine politique, les frontières entre le totalitarisme et les autre formes de gouvernement deviennent très minces et de là peut naître un danger.

Hannah Arendt établit que le concept et le mot d’autorité sont d’origine romaine et que les grecs n’ont pas connu le type de gouvernement qui en découle. Platon et Aristote on tenté d’introduire dans le monde grec un « parent de l’autorité ». Pour construire leur philosophie les deux hommes se sont inspirés de deux régimes :
-          dans la sphère publique et politique de la tyrannie ( le despote est le tyran)
-          dans la sphère privée de la famille (le despote est le chef de famille)
Mais aucun de ces deux modèles ne permet l’établissement d’un régime autoritaire car celui-ci sous tend la liberté des hommes.
La République de Platon traite de l’autorité dans la politique. Pour lui, se sont les philosophes qui doivent diriger la cité (« les rois-philosophes »). Platon ne voulait ni de la force ni de la persuasion pour établir l’autorité. Selon lui il existe deux classes d’hommes : ceux qui commandent et ceux qui obéissent. Dans ce cas l’autorité découle naturellement de la relation elle-même entre les hommes. De ce fait le roi philosophe joue de sa position mais l’autorité est véritablement effective du fait des idées du philosophe transformées en mesures et en normes pour le bien de la polis. Les idées deviennent, dans cette configuration, l’instrument de la domination.
Pour Aristote, influencé par Platon, la loi la plus juste est celle qui se rapproche au plus près de l’idée.
Cette conception a influencé la tradition occidentale. Mais, en plus de cela il faut introduire le concept de spécialiste qui donne au chef d’état la capacité de s’occuper des affaires humaines.
Aristote a rejeté une partie de la théorie platonicienne des idées : pour lui il n’y a pas de roi philosophe qui règle définitivement toutes les affaires humaines. Pour Aristote la domination des les affaires humaines vient de la « nature », c’est elle qui fonde la distinction entre dominants et dominés.
Pour le philosophe la polis est « composée de nombreux dirigeants ». Ces hommes sont en réalité des chefs de familles assemblés pour établir une domination dans la polis. Ces hommes qui sont devenus des dirigeants doivent « éduquer » les autres hommes de la cité à la politique.(sous couvert de ce principe beaucoup ont en réalité voulu dominer).
En somme, la philosophie grecque n’a pas réussi à trouver de concept d’autorité qui empêcherait la détérioration de la polis.
Après avoir abordé la pensée grecque l’auteur s ‘est penchée sur la pensée romaine.

Au sein de la pensée romaine on trouve la conviction que quand quelque chose a été fondé cela demeure une obligation pour les générations futures. Chez les romains l’activité politique et l’activité religieuse étaient quasiment identiques. C’est dans ce monde qu’est né le concept d’autorité. Les hommes qui ont l’autorité sont ici les anciens (les sénateurs) ils l’a tiennent de ceux qui ont posé les fondations (les ancêtres). L’autorité a ses racines dans le passé c’est une notion différente de celle de pouvoir : le Sénat détient l’autorité mais c’est le peuple qui détient le pouvoir. L’autorité, dans cette situation, est un avis qui n’a pas besoin d’être un ordre ou de recourir à la force pour ce faire entendre ; elle a une force liante.
Dans le monde romain la tradition préservait le passé et permettait la transmission des témoignages des anciens aux nouvelles générations. Tant que cette tradition se perpétuait de manière intergénérationnelle l’autorité était assurée de persister car personne n’osait agir sans être en adéquation avec la volonté des  « fondateurs ».
La création d’un corps politique découle de ce principe de la fondation. L’application de ces idées à la politique ainsi que le rôle prédominant de la tradition dans le principe d’autorité sont devenues les caractéristiques dominantes de la pensée philosophique et politique occidentale.

C’est l’Eglise chrétienne qui a récupéré l’héritage de la pensée politique romaine, les apôtres sont devenus les « pères fondateurs ». Cette application dans la tradition a permit à l’Eglise de conserver son autorité des siècles et des siècles durant. L’originalité de l’Eglise a été d’amalgamer les philosophies romaine et grecque : elle a fusionné le principe grec de « mesure et de transcendance » avec le concept romain d’acte fondateur. Cela  a permit la perpétuation de la trinité romaine (religion + autorité +  tradition) dans l’ère chrétienne et de doter d’une certaine continuité et stabilité les structures politiques. Il s’est révélé que le retrait d’une de ces composantes de la trinité brisait l’harmonie existante et affaiblissait fortement les deux autres cela aboutissant à la naissance d’une instabilité dangereuse pour les structures préexistantes.
L’Eglise adjoignit aux concepts grecs et romains un système de récompenses et de châtiments pour récompenser ou punir les croyants. C’est ainsi que fut introduite la notion d’enfer (en vérité elle nous vient de Platon), ceci renforça l’autorité religieuse de l’Eglise par rapport au pouvoir séculier mais, ce fut au prix de l’atténuation du concept romain d’autorité  et de l’adjonction  de la violence (= pouvoir de contraindre par la peur) au sein de l’Eglise. Ce dernier point a perdu en intensité dans le monde moderne mais la peur fut à son tour utilisée dans les systèmes politiques (ceci n’empêcha jamais les révolutions).

Machiavel a une position unique dans l’histoire de la pensée politique, il est indifférent à l’égard des jugements moraux et affirme que les hommes devraient apprendre à « pouvoir n’être pas bon ».il s’oppose donc au concept du « bien » chrétien. Il pense que ce concept n’a sa place que dans la sphère privée. Machiavel méprise les interprétations de l’Eglise des traditions chrétiennes et grecques, pour lui, tout contact entre religion et politique corromps les deux.
Son rêve était de fonder une Italie unifiée, il a alors fait des recherches sur les expériences politiques romaines originelles et a découvert qu’elles étaient basées sur l’expérience de la « fondation » qui pour lui est devenue l’action politique centrale. A partir de cette conclusion il a crût possible la fondation d’une Italie unifiée qui serait la base d’un « corps politique éternel ».
Machiavel avait pressentit la naissance des Etats-nation et le besoin d’un nouveau corps politique. Cette constatation l’a fait apparaître comme le « père de l’Etat-nation moderne et de la raison d’Etat ».


On fait aussi très souvent  référence à Machiavel lorsqu’il est question de révolution  à cause de ses thèses sur la nécessaire utilisation de la violence pour fonder de nouveaux corps politiques ou réformer ceux qui sont corrompus. A partir de là on peut opérer un rapprochement entre les thèses de Machiavel et les actes de Robespierre. En effet, pour ces deux personnages , l’utilisation de tous les moyens ( donc également de la violence) est justifiée si elle sert la fondation c’est à dire si elle rend la politique possible ( Pour l’un se serait la création d’une Italie unifiée, pour l’autre la République française). A ce titre, Machiavel peut être considéré comme le penseur des révolutions modernes. L’auteur, Hannah Arendt, considère sur ce point que la seule révolution moderne qui est réussi est la révolution américaine car elle s’est faite en douceur, sans violence grâce à la rédaction par les Pères Fondateurs d’une constitution ce qui a permit d’établir un nouveau corps politique. Hannah Arendt. souligne à la suite d’un développement sur les révolutions leur paradoxe à toutes : les révolutions apparaissent toujours comme des ruptures radicales avec le passé mais elles sont pourtant largement inscrites dans la tradition.