10/05/2016 Comment penser la décroissance ?



Fiche de problématique

La croissance est devenue, depuis les Trente Glorieuses, l’horizon indépassable des économies contemporaines. Réclamée par les partis politiques de gauche comme de droite et par l’opinion publique, indispensable pour résorber le chômage, nécessaire pour améliorer le pouvoir d’achat, elle est au cœur des politiques économiques, en général néolibérales, menée depuis la crise de 2008.

A côté de ce chœur à l’unisson, quelques voix discordantes, minoritaires, se font entendre. Ceux qui se baptisent eux-mêmes « les objecteurs de croissance », à l’inverse de la plupart des économistes reconnus, sont partisans de la « décroissance soutenable ».

1°) Pourtant, depuis la révolution industrielle et la naissance du capitalisme, les critiques du progrès en général, et du développement industriel en particulier n’ont pas manqué, les tenants de « l’état stationnaire » au XIXème siècle ne sont pas sans rappeler les « objecteurs de croissance » du XXIème qui s’inspirent également de travaux de la deuxième moitié du XXème siècle : rapport du Club de Rome, analyses des éco-économistes, sommet de Rio, Appel de Paris.

2°) Pourquoi abandonner la croissance ? Les thèses des partisans de la décroissance  peuvent se résumer autour de six grandes thématiques : la croissance n’est pas synonyme d’augmentation du bien-être, notamment parce qu’elle  ne prend pas en compte les dégâts causés à l’ensemble de la planète ; la croissance infinie est inconcevable dans un monde fini ; la croissance démographique aggrave les dangers de la croissance économique ;  le creusement des inégalités, conséquence directe du développement, devient insupportable ; les causes profondes de l’idolâtrie de la croissance sont à rechercher du côté de la recherche sans frein du profit et du rôle de la consommation ostentatoire ; les politiques de « développement durable ou soutenable » ne permettront pas de sortir de l’impasse actuelle.

3°) Les « objecteurs de croissance » ne se contentent pas de critiquer le modèle actuel de développement, ils proposent une « utopie concrète » : retrouver une empreinte écologique « raisonnable » en « internalisant les externalités négatives », en relocalisant les activités et en restaurant l’agriculture paysanne ; transformer les gains de productivité en réduction du temps de travail et en création d’emplois ; décréter un moratoire sur l’innovation technoscientifique.

En conclusion, les partisans de la décroissance pointent, à juste titre, l’incommensurabilité des valeurs à laquelle nous confronte la croissance, la confusion autour de la notion de richesse, trop souvent repliée sur sa seule dimension économique, voire monétaire, et invitent à surmonter la crise de sens que traversent nos sociétés. Ce n’est pas par la création d’une nouvelle force politique  qu’ils comptent atteindre leurs objectifs, mais en recherchant des solutions du côté de l’éthique individuelle et de la philosophie, pour peser dans le débat et infléchir les mentalités.

Jean-Pierre Cendron, auteur et économiste